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Quelle place pour les mots en prison ?

Quelle place pour les mots en prison ?”, voici le thème retenu pour la soirée-débat organisée jeudi 11 avril dernier par la Fondation M6. Celle-ci a accueilli une soixantaine de partenaires – issus de l’Administration pénitentiaire, d’associations investies en prison, fondations ou encore d’entreprises et de collaborateurs du Groupe M6, autour de photographies de l’exposition « Prisons » de Grégoire Korganow.

Animé par Nathalie Renoux, présentatrice M6 et marraine de la Fondation M6, le débat a réuni Héloïse Adam, responsable locale d’enseignement (Education nationale) à la maison d’arrêt des femmes de Versailles, Alain Faure, coordinateur de Citad’elles (magazine féminin réalisé entre les murs par des femmes longues peines à Rennes), Thérèse Mérel, rédactrice au sein de ce magazine de 2014 à 2016, et Loïc Ben-Ghaffar-Dumortier, chef du département des politiques d’insertion de probation et de prévention de la récidive à la direction interrégionale de l’Administration Pénitentiaire à Rennes.

 

Avec 1 détenu sur 3 en grande difficulté de lecture, l’acquisition des savoirs de base pendant le temps de détention constitue un fort enjeu pour l’insertion future des personnes détenues. Comme l’indique Loïc Ben-Ghaffar-Dumortier « outre la nécessité de l’écrit dans le quotidien d’un épisode carcéral, la lecture et l’écriture c’est le socle d’un parcours d’insertion ». Ce dernier souligne l’importance du partenariat pour l’Administration pénitentiaire sur ce thème : Education nationale, fondations et acteurs associatifs… autant d’actions mises en place autour de la lecture et l’écriture qui contribuent à réconcilier avec les mots et ramener progressivement vers l’enseignement classique.

 

L’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont ainsi les premiers objectifs poursuivis par l’Education Nationale en détention, comme l’explique Héloïse Adam : « Travailler sur les mots c’est mettre des mots sur ce qu’on vit. ». Et en cette matière, tous les moyens sont bons : parfois le lien familial amène à la lecture comme dans ce projet d’atelier lecture et parentalité mené actuellement à la maison d’arrêt de Versailles, où des femmes détenues enregistrent des histoires du soir pour leurs enfants. La lecture devient alors un lien précieux.

Côté magazine Citad’elles, « on utilise tous les formats d’écriture en journalisme » comme l’explique Alain Faure. « Les rédactrices démarrent en binôme et sur des articles très courts. Petit à petit, elles prennent confiance en elles et passent a des articles plus longs et fouillés. ».
Sur la question du rapport aux mots dans le contexte si particulier de la détention, chacun a partagé son expérience et celle de Thérèse Mérel, qui s’est investi dans le magazine Citad’elles lors de sa détention à Rennes, a particulièrement touché les invités : « Citad’elles m’a permis de comprendre que j’existais. Que je n’étais pas nulle comme on me le disait dans l’enfance. L’écriture m’a permis de me réconcilier avec moi-même. ».

 

La rencontre s’est achevée par la diffusion en avant-première la bande-annonce du film de Grégoire Korganow « Mon rêve familier ». Grégoire Korganow a demandé à des personnes incarcérées de raconter leurs rêves à l’écrit. Il a reçu plus de 130 lettres, qu’il a fait lire à haute voix, face caméra, par des anonymes non-détenus. Il décrit le film qui en résulte comme une « tentative de lien » entre l’intérieur et l’extérieur…

© E.Tanneau / Fondation M6